Troisième partie : Le sâmkhya

Pour mieux comprendre le texte sur le sâmkhya, il est à lire en même temps avec le schéma disponible en fin de texte.

A la suite de la période védique et des upanishad, que nous avons vu dans les newsletters de mai et de juin, va émerger aux alentours du 2ème et du 5ème siècle de notre ère les six grands points de vue philosophiques qu’on nome darçana. Ces systèmes vont coïncider à une mise en forme par des maîtres spirituels des réflexions antérieures sous forme d’un manuel de base établit par écrit. C’est ainsi que va apparaitre successivement les écoles du sâmkhya, du vaiçeshika, de la mîmâmsâ, du nyâsa, du védanta et du yoga. Les textes se présentent sous formes d’aphorisme car ils étaient faits pour être appris par cœur et transmis dans un enseignement oral. Chaque point de vue constitue un système d’une prise de perspective de l’univers selon des méthodes d’approche spécifique à chaque école. Il est à préciser que contrairement à l’esprit occidental où il n’existe qu’une seule vérité, les écoles philosophiques indiennes considèrent qu’il existe une multitude de vérités. Pour l’Inde, il existe une seule réalisé suprême mais plusieurs degrés de vérité. Un parallèle doit ici être fait entre le premier point de vue, la sâmkhya et le dernier qu’est le yoga car ses deux doctrines se complètent. Le sâmkhya établit les principes sur lesquels le yoga fonde sa pratique et définit avec clarté le but que le yoga se donnera pour cible. Donc à partir d’une même doctrine, l’un s’occupe de la théorie l’autre de la pratique.

Le point de départ du sâmkhya est de mettre fin à la misère de l’existence. En constatant de l’imperfection de l’existence et la misère de la vie (duhkha), le sâmkhya propose une voie qui vise une recherche dirigée vers l’intérieur de soi, une plongée aux racines de l’être pour laquelle toutes les énergies sont canalisées et ramassées. Le monde est toujours en perpétuel mouvement et le sâmkhya nous dit que chaque effet produit une cause mais que dans chaque cause il y reste un élément de l’effet. Comme par exemple dans le lait il y a potentiellement présent le lait caillé. La cause et l’effet représentent donc respectivement l’état non développé et l’état développé d’une seule et même cause. A partir de là, on peut donc conclure à l’existence d’une source universelle. L’univers est en déploiement perpétuel. Ainsi au début, il y a une substance primordiale appelée mûla-prakriti qu’on simplifie par prakriti. La prakriti émet l’univers manifesté par le jeu des trois qualités primordiales qu’on appelle les gunas et qui sont rajas, tamas et Sattva. Ce sont les trois facteurs antagonistes qu’on retrouve dans tous les phénomènes sur terre. Sattva a pour fonction d’illuminer, rajas a pour fonction d’activer et tamas a pour fonction d’obscurcir. Au delà du dynamisme de l’univers c’est à dire au-delà du manifesté et du non-manifesté, du créé ou du non-créé, il y a le principe de conscience immuable et éternel qu’on nomme purusha. Il est omniprésent, immanent, transcendant, il est le Soi universel. Il est non agissant il pénétre toutes choses et réside dans tous les êtres comme leur propre soi. Il est par excellence l’observateur immobile qui compte en silence le mouvement de la prakriti. Il n’entre jamais en action. Même si le purusha ne soit ni producteur ni production, c’est son influence qui met en branle la prakriti et lui fait émettre les mondes. Ainsi le développement de la manifestation se fait par étape successive, chacune de ces étapes étant appelée tattva qui lui même engendre une autre étape une autre tattva. L’étude des tattva est essentielle pour les yogis car ils devront remonter le courant créateur. Partant des tattva inférieurs, ils devront réaliser chaque principe tour à tour jusqu’à complète résorption dans le non-manifesté. La première production de la prakriti est le grand principe appelé la Buddhi, elle est intelligence pure et la base de l’intelligence commune de tous les êtres, elle est lumineuse et infinie. La seconde production de la prakriti est ahamkâra, le facteur d’individualisation ou la notion du moi. A partir de là, nous assistons à une sorte de bifurcation du processus évolutif qui se divise en deux grands courants qui vont former l’un l’univers objectif et l’autre l’univers subjectif. C’est la division créée par l’ahamkâra entre un « je » et un « cela ». Du principe d’individuation (ahamkara) dominé par le guna sattva émanent les 11 facultés (indriya) formant le monde subjectif, et du principe d’individuation dominé par guna tamas émanent les 5 qualités sensibles (tanmâtra). Le monde subjectif dominé par la qualité sattva comprend 5 facultés cognitives (jnânendriya) l’ouïe, le toucher, la vue, le goût et l’odorat ayant leur siège dans les organes correspondants les oreilles, la peau, les yeux, la langue et le nez et 5 facultés d’action (karmendriya) la parole, la préhension, la locomotion, l’excrétion et la sexualité ayant leur siège dans les organes correspondants la voix, les mains, les pieds, l’anus et le sexe. Et enfin manas le 11ème indriya la faculté mentale ou la pensée. Les 5 qualités sensibles ou tanmâtra sont le sonore, le tangible et le thermique (palpable), le visible (couleurs, formes), la saveur et l’olfactive qui sont en relation avec les 5 éléments grossiers, l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre. A ce stade le purusha tel un spectateur entièrement captivé par le déploiement de la prakriti, devient captif du monde phénoménal et devient jîvâtman ou soi consciente ou encore être unique. L’être unique est enseveli dans l’être mortel et enclos dans la grotte du cœur. Et si le yogi a réussi à remonter toute la filière en sens inverse, il a atteint dans le centre vital de l’être humain le purusha qui est de la dimension du pouce en opposition au purusha à mille têtes, mille yeux, mille pieds, celui de l’infini.

C’est ainsi que clos notre série sur l’étude des textes philosophiques indiens où nous avons vu les veda et les upanisha, la bhagavad gîta et enfin le sâmkhya.

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