Créer de l’espace en yoga et dans tous les actes de la vie

Il est dix-neuf heures en ce lundi glacial du mois de décembre 2016, emmitouflé dans mon écharpe, je m’engouffre dans le métro pour aller donner mon cours de yoga nu, rue la Fayette. En descendant les escaliers du métro, je me suis trouvé derrière une femme qui descendait tranquillement les marches. Lorsque nous arrivons sur le quai où se trouve le portique de contrôle des billets, un métro arrive rapidement dans la station. A ce moment, les gens autour de nous se précipitent pour passer le portique et sauter dans le train qui est déjà à quai. Au lieu de faire de même, elle a mis tout son temps pour passer son ticket dans la machine et arrivée sur le quai, les portes se ferment et le métro part. Comme je la suivai, et conscient de son attitude, j’ai fait de même et nous avons pris tranquillement le métro suivant. Nous avons ainsi créé de l’espace entre nous, entre nos corps et le métro, nous avons créé un espace entre ce fragment de vie du métropolitain parisien et ce fragment de nos vies.

Cette expérience montre l’impact que le yoga peut apporter dans la vie quotidienne. Depuis que j’ai commencé à donner des cours de yoga, j’ai été de plus conscient du facteur important de la notion du temps. Cette notion qui a été inventée par l’homme et qui l’a amené à construire un monde virtuel où les hommes ne sont plus en phase avec la nature qui elle vit au présent de manière permanente. Il suffit de voir évoluer un chat (merci à ma chatte Fanny) pour se rendre compte que cette notion linéaire du temps est absente de sa vie au quotidien. Le chat oublie ce qui s’est passé quelques instants plus tôt alors que nous sommes constamment en rapport avec le passé ou un hypothétique futur. Dans la pratique du yoga, la prise de conscience de son corps permet d’être plus présent, d’être « ici et maintenant» dans le vécu de la posture.

Je dis souvent pendant un cours de yoga de laisser de l’espace dans son corps afin de créer cette ouverture nécessaire pour réaliser correctement une posture. Dans la vie courante, nous pouvons également créer de l’espace en faisant des gestes simples. Par exemple, lorsque le téléphone sonne, ne vous précipitez pas pour répondre de suite, laissez sonner 2 ou 3 fois. De toutes façons vous allez répondre, alors laisser un moment d’espace entre vous et cet appel. Ce petit moment d’espace va forcement être bénéfique pour vous ainsi que pour la réponse donnée à votre interlocuteur. Au travail, si votre supérieur hiérarchique vous demande ce que la formation que vous venez de faire, va vous apporter sur le plan personnel et relationnel, repondez-lui que cela m’a permis de voir le monde du travail avec une vision différente. Bien que toujours dans l’action, on devient plus détaché par rapport aux problèmes professionnels, sans que cela nuise à la réalisation des objectifs fixés. Le bénéfice d’une formation est multiple, elle permet d’avoir une meilleure écoute, une plus grande capacité d’adaptation et de pouvoir canaliser le stress que les autres portent sur vous et en particulier dans le travail effectué. Il y a donc convergence entre yoga et le monde du travail.

Parfois, je dis que le yoga est silence et que si nous voulons être un yogi nous devrions rester silencieux. Selon KG Dürckeim : « Le silence n’est pas absence de bruit c’est quelque chose au delà du bruit et au delà du silence ; c’est le tout autre ».

Je dirais que la première posture qui devrait être réalisée au début d’un cours est le silence. Ensuite la séance peut commencer soit en se mettant debout, soit en restant allongé. Dans la position allongée, Savasana permet véritablement d’entrer en contact avec son corps avec une prise de conscience des appuis sur le sol pour ensuite doucement amener l’harmonisation consciente de la respiration.

Pendant une posture, pendant un mouvement, le silence m’entoure. Je suis nu, seul, il n’y a rien à faire. Il faut vivre sa posture dans le silence de son corps. Il faut être à l’écoute de son corps, il est pure vibration, il est vacuité. Il ne faut jamais aller au delà de ses limites, il faut s’arrêter là où votre corps vous le dit, sans plus. Les postures dépendent d’une loi, celle de la non-douleur – Ahimsa – c’est-à-dire un travail en économie et en confort. Le travail fourni doit être fait avec rigueur, fermeté, douceur et fluidité (Stira-Suka). Il est souhaitable de ne pas se conditionner afin d’accepter le changement. Si je prends l’habitude de faire toujours la même chose je risque de me trouver déstabilisé et cela peut me faire souffrir. Il est tout aussi souhaitable de changer afin d’être de nouveau attentif à ce que l’on fait et créer de l’espace.

Les asana ou postures sont toujours faites en dynamique puis en statique. A la fin d’une séance, on peut en ressortir un peu fatigué mais tellement bien dans son corps. Cette fatigue s’efface pour ne laisser que l’apaisement et la joie. Cette joie est l’expression de l’espace qu’on a mis dans sa pratique par une conscience corporelle et respiratoire.

L’espace vient aussi par la respiration qui est l’élément clé de toutes postures de yoga quelle soit faite en mouvement ou en statique et qu’elle soit faite en commençant par respirer par le haut de la cage thoracique ou par le ventre. Le souffle naturel nous traverse sans que l’on en soit conscient. Lorsqu’on prend conscience que l’on peut respirer de manière volontaire, c’est à ce moment là que l’on parle de respiration. Tout ce qui touche à la respiration touche à l’émotionnel. En inspirant, j’accueille le monde extérieur en moi et en expirant je redonne de moi-même au monde extérieur. La relation entre le monde extérieur et le monde intérieur est constant et là encore l’espace nous traversse.

Le yoga est une expérience continuelle de son corps. J’aime bien dire que pour une posture que l’on connaît bien il faudrait la faire à chaque fois comme si c’était la première fois ; comme si chaque posture était une renaissance, cela permet d’être un peu plus présent, être dans l’instant présent pour éviter d’être prisonnier de ses mémoires du passé qui sont solidement ancrées dans nos corps.

Pour conclure, voici une phrase de Liliane Cattalano Indianiste et professeur dans les écoles de yoga en France et elle nous dit : «L’espace du cœur est considéré comme l’élément central de la vie, le cœur est décrit comme ayant un espace minuscule mais contient la totalité de l’univers et de tout ce qui est ». Ce passage de l’infiniment petit à l’infiniment grand pour l’homme se passe au niveau du cœur. Dans cet espace du cœur il y a un personnage minuscule en or qui va représenter la partie la plus vaste et la moins limitée de l’être. La place du cœur est primordiale.

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