Je respire

Quand l’on demande aux gens quel serait selon vous l’acte de la vie quotidienne indispensable pour vivre et dont on ne peut se passer sans quoi on risquerait de mourir, la plupart des personnes interrogées vous répondront l’eau ou la nourriture. Peu de personnes répondront la respiration ou l’air. Cette fonction essentielle pour la vie est souvent oubliée car le mécanisme respiratoire est tellement automatique qu’on ne s’en préoccupe pas. Nous en prenons conscience lorsque nous affrontons un danger imminent et que nous devons respirer profondément pour se calmer et retrouver la clarté de ses idées. Or la fonction respiratoire est essentielle pour la vie, car si on devait s’arrêter de respirer en quelques minutes seulement nous risquerions la mort alors qu’on peut se passer d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours. La famine et la soif sont deux facteurs qui font peur, il est donc sociologiquement normal qu’ils viennent en premier quand on pense survie.

Allons maintenant explorer notre respiration :

Venez sentir l’air qui entre dans les narines et l’air qui en sort. Respirez tranquillement sans chercher à contrôler votre respiration. Ne cherchez pas à la guider, laissez les cycles se faire naturellement et observez ce qui se passe. Observez les sensations, observez surtout le flux d’air dans vos narines, chaque millimètre à l’intérieur de celles-ci sont en alerte. Une sensation de chaleur s’en dégage. Continuez à observer votre respiration avec gentillesse, avec diligence, avec persévérance. Les narines sont un bon support pour la méditation, comme celle proposée par la méthode Vipasana, car ce sont des zones très richement innervées. Lorsque vous restez un temps long à observer vos narines, elles deviennent des grottes immenses et plus on les explore, plus le monde s’ouvre à vous. Le monde s’ouvre, le temps s’arrête et vous êtes en communion avec le réel. L’air communique entre l’extérieur et l’intérieur de votre corps, plus vous respirez plus le bien-être et le calme s’installent et une sensation de chaleur s’en ressent. A un moment donné, il n’y a plus de différence entre le dedans et le dehors de votre corps car vous êtes un avec le tout.

Allons explorer un peu plus profondément cette respiration, elle se scinde en deux temps ou deux phases, l’inspiration et l’expiration. L’inspiration est facile, elle est naturelle et automatique. Elle est ample et régulière. Les côtes s’écartent et à la fin le ventre se gonfle. On a l’impression que l’on pourrait inspirer indéfiniment. Mais la capacité de vos poumons vous limite dans cette quête de l’inspiration. A bout de course, poumons pleins vous pouvez vous arrêter un instant et explorer ce qui se passe. Tout l’oxygène transporté dans vos poumons va vous permettre de régénérer votre corps. Et quand l’inspiration se transforme en expiration, tout se complique. L’expiration est difficile car elle nécessite un effort plus important, elle est étroite, resserrée, elle est comme pris dans un goulot d’étranglement. Comme nous dit le yoga, l’inspiration c’est prendre, c’est conquérir, c’est s’approprier, par contre l’expiration c’est donner et c’est rendre au lieu de garder et c’est surtout lâcher prise. C’est aussi d’un point de vue psychologique, rendre le dernier souffle, le dernier soupir et finalement c’est rendre l’âme. Nous sommes alors dans une problématique qui touche à la mort et il est normal qu’elle fasse peur. N’ayez pas peur d’expirer car elle va vous amener vers des sphères jusque là inconnues. Elle va vous ouvrir l’horizon des possibles et atteindre un monde nouveau. Lorsque vous respirez de façon lente et consciente, imaginez que vous avez devant vous un ballon rempli d’air qui se vide au fur et à mesure que vous inspirez et qui se rempli au fur et à mesure que vous expirer. Cette image du ballon qui se vide et qui se rempli est le symbole d’un dehors et d’un dedans qui communiquent afin d’amener le pratiquant à découvrir la vacuité corporelle et le lien entre l’extérieur et l’intérieur. Lorsque le moi s’évanouit, il laisse place au corps vide, libre de mémoire. Lorsque l’on pratique les āsana (les postures) nous sommes tissés par le rythme respiratoire et par le souffle. Et jour après jour ce tissage crée du lien entre un dedans et un dehors afin de relier l’ātman avec le brahman ou la conscience de soi ou principe de vie avec le fondement de l’univers.

Pour conclure, respirons donc avec lenteur et conscience. Quel que soit la méthode de respiration utilisée, prendre conscience de notre souffle est non seulement une voie de libération comme nous venons de le voir mais aussi un moyen pour améliorer sa santé et avoir une meilleure immunité afin de combattre toute infection ou intrusion biologique indésirable. En ces temps troubles où pour les personnes atteintes de cette maladie respiratoire qu’est la covid-19, la respiration est difficile voire même impossible sans une aide médicale, et qu’il faut toujours revenir et sans cesse à elle.

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