Du désir au non-désir – कमः अकमम्

Le désir est l’excitation ressentie à l’idée de posséder, d’obtenir ou d’acquérir. C’est aussi l’idée d’un sentiment de manque comme le dit Platon dans  Le Banquet « on ne désir que ce dont on manque ». Nous sommes alors en quête d’un frisson qui nous amène vers la possession de quelque chose.  C’est ainsi que va émerger l’illusion d’un bonheur relatif. Mais nous pensons alors que ce bonheur résulte de la jouissance de cet objet. Comme dans un premier temps, nous sommes éloignés de cet objet, il va s’installer alors un sentiment de frustration. Quand nous sommes enfin en possession de cet objet, le sentiment que nous avions eu s’estompe et l’objet devient obsolète. Prenons l’exemple d’un objet courant de notre époque comme un téléphone portable de dernière génération ; la publicité va nous mettre l’eau à la bouche, va nous promettre un monde meilleur, et nous aurons l’illusion qu’avec ce nouvel appareil je vais être le plus fort et me sentir exister au travers de cet objet. Mais les objets s’usent et deviennent obsolète rapidement. Et ainsi de suite le moment de satisfaction va être remplacé par un autre et nous rentrons dans un cercle infernal et sans fin.

Un objet du désir remplace un autre objet du désir.

Alors peut-on dire que l’illusion que cet objet a donné est associé au bonheur ? Par l’accumulation d’objets, le mal-être s’installe car tout ce bonheur est extérieur à soi. Et plus la possession d’objet s’impose, l’intériorité de notre être est en déséquilibre. Or l’erreur consiste justement à chercher le bonheur à l’extérieur à soi.

Alors quel est le chemin à suivre pour que le désir se fasse en soi ?

Prendre le temps de la conscience de soi, revenir à soi et percevoir l’insatisfaction qui perturbe. La vie authentique n’est pas dans l’acquisition de biens mais dans la joie et la beauté des choses de la vie. Donc le bonheur dépend de nous, de notre regard porté au monde. Il faut simplement se décharger de la préoccupation qu’on a des objets extérieurs. L’esprit est ainsi disponible pour prendre conscience de lui-même. Ceci ne veut pas dire qu’il faille se déposséder de tous les objets, mais prendre conscience qu’ils ne font pas le bonheur car ils sont extérieurs à soi et que le bonheur se trouve à l’intérieur de soi.

Ces objets vont être un obstacle au bonheur et cet obstacle va souvent être le résultat du désir. L’entrave existe parce que je désire. Sans désir, il n’y a plus de désir, c’est ce qu’on appelle en yoga le non-désir. C’est nous qui créons l’obstacle au bonheur de par ce désir d’acquérir des objets. Mais quand la vie bouillonne le désir est plus fort.  C’est lui qui nous pousse à agir, à être dans l’action, la joie et la vitalité. Le désir est ici la vie vibrante qui crée, qui ressent le plaisir et qui accroit le sentiment d’exister.

Un autre regard sur le désir est donc possible. Autrement dit, le bonheur est au-delà du désir. Le désir a été remplacé par quelque chose de plus grand. En yoga, il est dit que la vie est souffrance et qu’un voile nous cache de voir la vérité. Or si nous sommes dans le non-désir, le voile s’estompe et la souffrance s’en va. Et donc le désir aussi.

Mais ne désire-t-on pas le désir ? Certes oui, mais ici le désir est souffrance car il occupe notre esprit. C’est une pratique du quotidien que de ne pas se préoccuper des objets tant voulus. Ici, le désir doit s’accomplir dans l’acte juste, dans la joie de l’instant sans se soucier de ce qu’il adviendra. La joie existe par elle-même.

La joie se trouve dans la contemplation d’un paysage de coucher de soleil car il nous habite tout entier, alors devant ce paysage il n’y a plus de désir, juste un état d’être simple et désintéressé. Nous n’avons pas besoin du désir pour ressentir cela. C’est dans la pleine conscience de ces actes que la joie est là. Il faut juste apprécier la vie, apprécier l’usage de son portable, apprécier ce paysage de coucher de soleil sans tomber dans le piège du désir car nous allons perdre ce que nous avons. C’est dans la conscience pleine et entière qui le montre par ce retour à soi, que l’on parvient à un instant d’immobilité.

Bonne Année 2015

नय माल मुबारक हो २०१५

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1 réflexion sur “Du désir au non-désir – कमः अकमम्”

  1. Cher Yogi,
    tout d’abord t’adresser ici mes voeux chaleureux pour la Nouvelle Année, pour tes projets professionnels et personnels.
    Je souhaite partager avec toi ma réaction à chaud après lecture de ton texte sur le désir. Ce n’est qu’un essai et je ne prétends pas avoir raison.
    Je n’ai pas souvent entendu évoquer ce mot directement dans les textes yoguiques de ma lignée de Madras. J’entends plutôt parler de « l’attachement excessif » qui crée la souffrance. Il ne s’agit pas de l’éliminer mais d’en prendre conscience et de ne pas le laisser s’enfler. Mais le réalisme veut qu’on ne pense pas l’éliminer de sa vie.
    La pensée psychanalytique occidentale a repéré qu’une « vie sans désir » est une définition parmi d’autres de la dépression. La perte de l’élan de désir laisse un grand vide. J’aimerais discerner
    entre le désir de choses essentielles et le désir de choses futiles. L’élan de désir pour mettre en
    route un projet n’est pas à chasser comme un moucheron. C’est la flamme qui allume la
    mêche.
    Le bouddhisme en Occident a souvent été mal interprété et a laissé l’idée d’un possible
    effacement des désirs. Je n’y crois pas et je trouve cela dangereux. Je rencontre beaucoup de gens mornes qui n’ont pas de désirs et qui feraient bien d’en retrouver la trace au fond d’eux-mêmes. J’entends bien que notre civilisation exacerbe les désirs matérialistes pour faire du fric avec cette tendance naturelle de l’humain à se sécuriser par les biens matériels. Mais alors, il faudrait deux mots pour désigner les désirs justes et les désirs non-justes. S’interroger à chaque fois si l’on a réellement besoin de ce qu’on désire peut être un moyen terme plutôt que de faire une chasse au désir. Le désir c’est le FEU ayurvédique en l’homme. Que serait l’homme sans ce feu? Juste ne pas le laisser calciner toute la maison !
    Je t’embrasse et espère te voir cette année.
    Pascal

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