Moksha : la libération

Comment définir cette définition ? Nous l’avons vu le mois dernier, la libération peut être atteinte par le bateau de la connaissance. Quelle est donc cette connaissance ?

La loi du karman ne se situe pas au niveau de l’acte même. Ce n’est pas l’action qui gouverne cette loi, car elle s’inscrit dans le temps. Si chaque action est liée au temps, elle est par conséquent aussi liée à la finitude de l’homme. A l’instar de l’homme, l’acte est périssable. Toute action s’inscrivant dans le temps va développer un fruit qui aura un certain niveau qualitatif mais aussi quantitatif. Un acte qui est périssable produira un fruit, or la libération se situe au niveau du couple atman-Brahman qui lui est impérissable. Ainsi les actes sont instables et s’inscrivent dans le temps. Ce n’est donc pas ainsi que l’on atteint le stable ultime et infinie qui déborde dans l’espace libératrice. Aucune action et par conséquent aucune pratique ne libèrent de la loi des renaissances ou du samsara. Trois heures de yoga n’ont donc aucune portée libératrice.

Alors comment parvient-on à cette libération ? Je l’ai dit plus haut, la libération ne peut se faire qu’au travers d’une connaissance libératrice. Il y a un premier niveau de connaissance qui vise à naître et à renaitre encore et encore et qui est liée à la loi du samsara (loi de la réincarnation). Cependant, nous restons toujours prisonniers de nos actes ou de cette loi du karman. Ce premier niveau de connaissance primordiale s’accompagne de la découverte de quelque chose en soi qui ne donne pas prise à la loi du karman. C’et autre niveau de connaissance se produira que lorsque j’aurai rejoint un lieu où la souffrance humaine va commencer à se dissiper. On parlera alors d’un changement de niveau de connaissance libératrice. C’est le premier niveau de la connaissance libératrice.

Pour atteindre un niveau de connaissance libératrice supérieur, il faudra passer par les perceptions des sens. Les espaces des sens qui sont à l’intérieur de soi dans les profondeurs de chaque être vont être des portes d’entrées vers moksha, la libération. En traversant cet espace, l’aveugle devient voyant et le sourd va entendre. Ils resteront toujours aveugles et sourds mais leur perception va se retourner vers l’intérieur et la lumière divine va apparaître. Le bateau qui permet de passer d’un monde à l’autre sera un monde sans souffrance et affranchi du mal. Ce monde infini  qui est celui du brahman est non soumis à l’action et à l’activité karmique ou loi du karman. Pour se libérer du mal et de la souffrance de notre humanité, il faut  que toutes nos actions soient de bonnes actions. Ainsi, le feu de la connaissance divine va progressivement réduire en cendre tous les actes. Certains upanishad parlent plutôt de grâce au lieu de  connaissance.

La Bhagavad Gîtaet les upanishad disent qu’il n’y a qu’une voie possible : le renoncement qui se traduit en sanskrit par samniasa. C’est à ce moment précis  qu’Arjuna arrête son char et s’interroge sur l’action qu’il doit mener. Ainsi, tous les systèmes de valeurs et les normes sociales et religieuses s’écroulent.

Nous ne pouvons pas accéder à cette libération à partir de notre conscience ordinaire plongée dans les soucis du monde. C’est tout cela qu’il faut quitter parce que les impératifs de la vie en société impliquent qu’on se voit encore projeté dans l’action. C’est l’enseignement de Krishna à Arjuna au pied de son char. Le renonçant se détourne du monde et de l’action, il s’adonne à l’idéal du non-agir. Il doit se déposséder. Le sens du non-agir, c’est se défaire de tout ce qui fait obstacle de transparence et de réceptivité.

C’est pour cela que l’on privilégie l’expérience du silence intérieur et mais aussi extérieur lors d’une méditation. Ceci afin d’apaiser toute les puissances mentales et psychiques jusqu’à l’apparition de l’identité de son la propre atman et du brahman universel.

En se désolidarisant de sa caste, le renonçant (Arjuna) fait l’expérience de son individualité et découvre l’émergence d’une conscience individuelle. Cette individualité lui apparaît comme double, symbolisée par l’image de deux oiseaux. L’oiseau qui mange sa figue savoureuse c’est notre état de servitude, c’est le jouisseur qui consomme et se nourrit des fruits de son action (c’est le jiva-atman). L’autre oiseau qui sans manger regarde intensément le fruit, c’est l’état de libération du soi, le témoin silencieux et non-agissant (param-ataman : atman suprême)  C’est bien l’expérience qu’Arjuna expérimente sur le champ de bataille, l’expérience de moksha.

 

 

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