Tapas, l’effort sur soi

J’emploie souvent le mot tapas pendant mon cours de yoga car il définit l’intensité que l’on doit mettre dans sa pratique. Mais que signifie tapas au regard des textes sur le yoga ? Comment mettre en adéquation cette notion d’intensité dans une posture ?

Le mot tapas apparait dans le Yoga Sutra de Patañjali, l’un des textes fondateurs du yoga. Patañjali y décrit les huit étapes de l’ashtanga yoga ou les huit membres du yoga. Les deux premiers membres étant les Yama (le code de conduite envers les autres) et les niyama (l’introspection et la discipline individuelle) ; les suivants sont āsana (pratiques des postures) prānāyāma (pratique de la respiration), pratyāhāra (retrait des sens), dhāranā (méditations) dhyāna (concentration) et samadhi (libération). Ces deux premiers membres sont complémentaires et indissociables. Le premier est tourné vers l’extérieur de soi et vers le monde extérieur tandis que le deuxième est orienté vers une discipline personnelle afin de trouver le chemin de l’illumination. Chacun des cinq niyama sont à prendre comme des sujets de méditation tout au long de sa pratique. Il faut les concevoir comme un chemin dont il y a des portes à franchir. Les niyama s’inscrivent dans une quête spirituelle. Les cinq niyama sont : shauca (purification du corps et de l’esprit) ; santocha (apprendre et développer les contentements) ; tapas (l’ascèse) ; svādhyāya (l’étude des textes et l’exploitation de soi) et īshvara pranidhāna (l’abandon au seigneur et le lâcher prise). 

Arrêtons-nous au troisième niyama : tapas.

En sanskrit tapas signifie « ascèse » ou « austérité » mais il veut aussi dire « ce qui est mis dans le feu » Le tapas est la vertu de la purification du corps et de l’esprit grâce à la discipline. Mais il ne faut pas mettre cette vertu au service et à la satisfaction de son égo. Tapas n’est surtout pas se mettre à effectuer une pratique physique intense et à jeûner pour purifier son corps ou bien pour caractériser un peu de resté sur une jambe pendant des années ou à dormir sur des clous. Tapas s’inscrit dans une discipline simple. Faire une pratique intense avec des postures acrobatiques alimente l’égo et l’on s’éloigne du chemin du yoga. Pour cultiver l’art de la discipline en yoga à la fois physique mental et émotionnel il faut avoir une ligne de conduite stricte afin d’éviter de se mortifier, de générer de frustrations et de faire face à ce qui résiste. Ainsi donc, le but est de se discipliner pour supprimer les habitudes corporelles et mentales, et d’avoir une entière autonomie dans la pratique. Dans notre quotidien, tapas c’est se poser des questions quant à la finalité de nos actes. C’est par la compréhension et par l’aptitude à supporter des situations difficiles que l’on avance vers un état d’équilibre intérieur. Il ne faut pas ignorer les difficultés et savoir prendre du recul pour mieux les affronter. Mettons de la simplification dans nos actes, sur le tapis et dans le quotidien pour éliminer tout ce que l’on pouvait penser être nécessaire et qui en fin de compte s’avère n’être que superflu. Tapas est la persévérance joyeuse au cœur de toute action difficile.

Quand on s’engage dans la pratique du yoga, qu’elle soit physique ou philosophique, le yogin doit déployer tous ses efforts afin de mobiliser toute son énergie et son attention pour atteindre le but visé. Cette volonté de l’effort qui est le véritable chemin de l’ascèse appelle à l’endurance et à la persévérance. Il faut être prêt à supporter toutes les difficultés rencontrées et à accepter l’effort sur soi. C’est une exigence d’un niveau élevé qu’est demandé au yogin afin de le mettre sur le chemin libérateur du samadhi (étape ultime ou réalité ultime, union ou encore absorption ou contemplation). Demeurer immobile dans une même position, rester silencieux en mouvement et en pensée demande de la détermination et de la volonté d’esprit.

Tapas appliqué à notre vie personnelle signifie une vie de travail mais pas forcément une vie facile. Mais attention, il ne faut pas croire que tout est joué d’avance et qu’il n’y a rien à faire, ce serait alors de la paresse. On n’échappe pas à l’action nous dit Krishna dans la Baghavad Gîta lorsqu’il enseigne le yoga à Arjuna. Les efforts doivent être sincères plutôt que sérieux car le sérieux relève de l’égo.

Lève-toi chaque matin avec de la détermination pour te coucher le soir avec de la satisfaction.

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