La conscience du monde

La conscience est l’un des mots le plus difficile à définir car il implique une réflexion sur soi et de comment s’auto-définir. Le mot conscience vient du latin conscientia lui-même composé du préfixe « com » (avec) et de « scientia » (connaissance). C’est donc la connaissance que nous avons de nous-même, de notre propose existence et des phénomènes qui nous entourent grâce à nos sens et à notre esprit qui sont en constante éveil.

D’un point de vue psychologique, elle se définit comme la relation qu’a un être avec le monde où il vit ou avec lui-même. La conscience est la capacité de « s’apercevoir » qu’on existe. Cependant on ne s’aperçoit pas qu’on s’aperçoit. Cette double notion est propre à l’homme. Seul l’homme peut s’apercevoir de l’objet et de l’acte par lequel il s’en aperçoit. Il peut alors se prendre lui-même comme objet. C’est une expérience de tous les instants. La conscience est donc un élément abstrait impossible à localiser et qui apparait lorsque les sens et l’esprit sont en éveille.

Quelle conscience du monde avons-nous ? Prendre conscience du monde est une notion difficile à expliquer et que les philosophies occidentales ont eu du mal à expliquer. Qu’en disent les philosophes Indiens sur la conscience ? Elle est souvent traduite par le mot chit. Les indianistes traduisent ce mot par lumière ou par lampe. La conscience éclaire l’objet sur lequel elle porte comme le soleil éclaire le monde. Or le soleil n’éclaire qu’une partie du monde. Ainsi donc la conscience n’est que partielle. Selon la philosophie indienne, nous n’avons jamais conscience du monde dans sa globalité mais seulement d’une petite portion de celle-ci.

La question qui vient alors est de savoir comment élargir notre conscience à cette partie cachée. Notre conscience est donc fragmentée, limitée à une partie du monde. Les techniques du yoga permettent cette ouverture. Ainsi la méditation permet de libérer la conscience de l’emprise du mental. La pratique de la méditation ouvre notre conscience et la dirige vers des objets inhabituels comme son propre corps avec l’aide de nos sens. La méditation crée un mouvement qui va élargir le cercle de notre conscience vers d’autres objets du monde. 

Mais quel est le mouvement par lequel chaque personne prend conscience du monde à partir d’elle-même ? Dans les Upanishad ce mouvement est appelé ātman. Ce mot est souvent traduit par « soi », qui désigne ici la conscience, comme présence au monde. C’est être conscient d’exister. Mais on l’a vu cette conscience demeure limitée. Il ne faut pas confondre le soi avec le moi. Ce qui est souvent le cas quand les philosophies occidentales parlent de « soi » en réalité ils parlent du « moi ». Or dans la tradition indienne afin d’atteindre la libération (moksha) ou le salut, il faut abandonner le moi. Nous nous trouvons au croisement entre l’expérience du soi et l’abandon du moi, que le philosophe indien introduit l’idée que la conscience ne fait rien. Elle n’agit pas, elle n’a comme fonction seule que d’éclairer cette partie du monde dans l’ombre. L’expérience quotidienne montre que le moi s’en charge très bien, il se vante de pouvoir transformer les choses par des actes.

Le mental continue donc à agir. Et pour arrêter les tourbillons du mental il faut pratiquer l’ascèse selon les rituels du yoga. La conscience du monde ne doit pas être une activité mentale car le moi n’est rien d’autre que l’égo qui agit. Tout le travail du yogi va consister d’une part à cesser le mental de tourner en rond et d’autre part de laisser tomber le moi.

Et pour conclure, revenons à la Bhagavad Gîta et à Krishna qui enseigne l’ascèse à Arjuna. Ceci-ci doit accomplir ces actes dans le pur détachement afin de ne pas perturber l’équilibre du monde.  C’est à ce prix que la conscience peut espérer refaire le lien avec le monde. Pratiquer le non-agir pour le bien du monde et la conscience du monde va s’éclaire dans sa totalité.

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