Pratyāhāra, l’énergie intériorisée

Les sollicitations extérieures comme ceux des cinq sens (la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat) nous empêchent d’être attentif au monde et nous manquons de discernement. Le but du yoga n’est-il pas d’être attentif au monde présent, de maîtriser et de rassembler nos qualités d’attention et d’expression. Il faut alors « atteler » notre vigilance dans une seule direction, comme des chevaux attelés efficacement à un char. Cette énergie unifiée favorisera la réalisation de la conscience pure ou du Soi, le Brahman.

Le souffle est le fil conducteur d’une pratique de yoga. Il relie nos espaces intérieurs et extérieurs de nos corps. Au départ, il faut maitriser la respiration, dans les quatre phases (inspiration, expiration et rétention à poumons vides et à pleins) ainsi la conscience restera attelée à la qualité du mouvement respiratoire. Lorsque une certaine régularité respiratoire est parfaitement maitrisée, les tensions corporelles et même psychologiques vont se relâcher et le résultat en sera la réalisation d’un début d’intériorité. Cette concentration est définit par Patañjali dans les Yoga-Sūtra (III,1) par « Etablir la fixation du mental dans une seule direction (desha) ». Cet apprentissage de l’attention se fera en trois étape, premièrement se concentrer de façon continue dans une seule action (lire un livre sans penser à autre chose), deuxièment rassembler toute nos facultés sensorielles dans une seule direction (fixer son regard sur une fleur en y concentrant tous les sens) et troisièment maintenir cette totale présence, tous les sens intégrés dans une état naturel d’attention continu et de réceptivité, c’est l’étape de la méditation. Ces trois étapes peuvent se faire sur des objets à l’extérieur de soi ou bien dirigé à l’intérieur de soi. L’intériorisation des facultés d’attention se nomme pratyāhāra et se prépare en cultivant sa concentration au quotidien. Le yogi devra au quotidien développer sa concentration sens par sens Un jour le regard se portera sur une fleur ou la courbe d’un immeuble, un autre jour sur l’odeur d’une fleur ou d’un délicieux plat, puis sur la caresse d’une brise sur le visage ou celle d’une main, puis sur le son d’une œuvre musicale ou le pas d’une personne sur le trottoir et enfin sur le goût d’un fruit doux ou d’un plat de saveur amère.

Cette attitude d’intériorisation des sens est le passage d’un yoga dit extérieur (bahir yoga) vers un yoga dit intérieur (antar yoga).

Pour mettre en pratique notre maitrise des facultés sensorielle, le yogi devra choisir un objet de concentration. Prenons par exemple un centre d’énergie vitale comme un chakra. Nous allons prendre celui d’entre les deux sourcils Ajna Chakra. En plaçant correctement le souffle, le yogi devra porter son attention derrière son front entre les deux sourcils en fixant son regard sur un point fixe. Cette région du front s’appelle l’ambiance frontale. Puis remplacer cette concentration visuelle par une concentration auditive et ensuite par une concentration olfactive en faisant appel à son souffle. Ceci va l’entrainer vers une attention gustative dans la bouche car le sens gustatif va de pair avec le sens olfactif. Enfin le yogi ressentira sa peau sous la région du chakra. Toutes ses concentrations extérieures vont disparaitre pour laisser les sens s’absorber dans l’objet de concentration qui est ici Ajna Ckakra. Cette focale sur un point s’appelle ekagratā. Ainsi nous verrons sans voir, toucherons sans toucher, écouterons sans écouter, gouterons sans goûter et sentirons sans sentir car tout sera intériorisé en soi. Lexpérience et l’apprentissage de la mobilisation intériorisée de ces facultés ouvrent à la véritable réalisation du retrait en soi, le pratyāhāra. L’exercice devra au début être courte puis avec un travail assidu le yogi va prolonger ces expériences et qui aura pour conséquence une sensation d’énergie et de force intérieure. Ainsi l’émergence des potentiels de chacun se manifeste et la connaissance du Soi continue de s’améliorer peu à peu.

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