Promenade avec les dieux de l’Inde : épisode 4

Cette newsletter fait suite à la newsletter du mois d’août et est un résumé du livre de Catherine Clément « Promenade avec les dieux de l’Inde », édition Points Sagesses.

Dans le cadre de notre voyage en Inde du sud du 22 novembre au 7 décembre, je vous propose de découvrir le panthéon des dieux Hindous afin de mieux comprendre l’architecture et l’iconographie que nous allons découvrir lors de ce voyage.

Krishna enfant est souvent représenté comme un bébé joufflu. Le père de Krishna s’appelle Khamsa, il aura huit enfants avec la reine Devaki. Une malediction s’abat sur la famille, un démon va détruire les huit enfants. Mais le huitième enfant qui sera appellé Krishna va survivre grace à l’intervention de Vishnou. A la naissance, Krishna sera échangé avec un autre bébé et sera élevé par la vachère Yasoda. Krishna est un enfant rebel, qui se bat toujours et qui triomphe toujours. Il se battera contre Indra, le roi des dieux car il ne doute de rien.  C’est celui devant qui tout cède. C’est un dieu qui pousse les autres à combattre mais sans jamais combatre lui-même. Nous le reverrons plus loin lors de l’étude de la Baghavad Gîta. C’est un tueur de démons doué d’une force prodigieuse et qui est faiseur de miracles. Et c’est le seul dieu immortel qui meurt. Il meurt à Dwarka dans son sommeil, frappé par la flèche d’un chasseur aborigène qui croit tuer un daim et le blesse au talon. Cela ne vous rappelle-t-il pas Achille, tué par la flèche de Pâris guidée par le dieu Apollon lors de la Guerre de Troie. Après sa mort, le corps de Krishna ne sera pas brulé car il est pur et a atteind un niveau spirituel élevé grâce à une ascèse assidue.

Le Mahabharata est une énorme épopée où presque tous les dieux de l’Inde interviennent. Il fait 90 000 vers qui a été écrit en partie par Ganesha avec sa défense. C’est l’histoire d’une bataille entre les cinq frères Pandava qui sont les bons héros et de leurs cousins les Kaurava les méchants qui sont au nombre de cent. Parmi les cinq frères nous en retiendrons le troisième Arjuna, le bel homme séduiseur et parfait guerrier. Parmi les cents frères, Duryodhana est le plus rusé et il refuse de reconnaître les cousins Pandava comme étant successeur du trône du royaume. En effet, la succession du trône doit être passé à l’ainé des Pandava, Yudisthira dit le sage car le roi des Kaurava qui est aveugl ne peut plus reigner. Alors Duryodhana tend un piège aux cinq frères en les invitant dans une maison magnifique mais qui rapidement prend feu. Ils doivent alors s’exiller dans le forêt avec leur mère la déesse Kunti. Au retour de leur exile les Pandava ont pu obtenir une partie du royaume. Mais Yudisthira leur tend un autre piège avec la fameuse partie de dés mettant en jeu leurs biens. Or on sait que le chef des Kaurava est tricheur et fera tout pour faire perdre les Pandava ainsi que les biens du royeume qu’ils possèdaient. Ils sont de nouveau forcés à partir en exile pour douze ans.

A la fin de leur exile, les Pandava exigent qu’on leur rende leur royaume. Tout le monde est d’accord dans les deux camps pour qu’enfin les vœux du roi aveugle soient exshaucés. Mais Duryodhana s’y oppose à nouveau et la guerre est imménante. Sur le champ de bataille, tout le monde est prèt. Arjuna le vaillant héro avec son arme de destruction aura pour cocher le dieu Krishna. Mais au premier jour de la guerre, Arjuna refuse de combattre. L’épisode qui suit et qui est le taxte le plus sacré de l’Inde est celui de la Bagavad Gîta, le Chant du Bienheureux. Lors des préparatifs de la guerre, Krishna va proposer de mettre toutes les armées face à Arjuna seul sans arme. Le chef des kaurava est ravi car il aura toutes les armées y compris celle d’Arjuna et est sûr de gagner. A partir de là, un des camps a choisi les règles de l’action juste et de la sagesse et l’autre a choisi la force. La bataille peut alors commencer, c’est le début du chant. Le char d’Arjuna s’avance. Il demande à Krishna d’arrêter le char pour qu’il puisse observer ces armées qui font face à lui. Krishna arrête son char et Arjuna se rend compte que dans le champ adverse, il y a son grand oncle a qui il doit honneur et respect, et ses oncles paternels, ses beaux frères et beaux pères. C’est une guerre fratricide qui consacre la destruction de la famille. Il est pris de panique, de confusion, d’angoisse et va dire à Krishna qu’il ne pourra pas combattre !

C’est le point de départ de l’enseignement de Krishna qui sera donné sous la forme d’un dialogue entre le maitre et son disciple. Arjuna est désarmé et s’en remet à son maitre car il est incapable de comprendre ce qui se passe.

Ce conflit se situe aussi sur le plan individuel, car Arjuna fait partie d’une caste de guerrier, les kshatriya. Son devoir est de combattre afin de préserver les forces du Dharma. C’est sa manière de soutenir la loi universelle, la loi du Dharma. Quand il est pris de panique, il est pris d’un conflit intérieur. Il est le représentant de sa caste et est solidaire à ses principes. C’est un antagonisme entre deux conceptions du salut, l’un prône l’engagement dans l’action afin de participer au maintien du Dharma et l’autre prône un retrait de l’action afin de se consacrer par la médiation, par la solitude dans le silence des espaces et sans activités humaines à la recherche de la délivrance. Cette délivrance s’entend comme une sortie du flux des rondes des renaissances, c’est à dire la réincarnation (le samasara). Pour répondre à l’aspiration à la délivrance, devons-nous quitter les lois de l’action ? Seul le retrait de l’action nous offre la possibilité de répondre à cette aspiration. Quel est le poids de nos actes dans l’ordre et le désordre du monde ? Où se situe notre liberté dans l’action ? Tout ce que je fais, fait partie de la caste à laquelle j’appartiens. Arjuna ne peut plus agir car il s’est désolidarisé de sa caste. C’est le problème que pose la Bhagavad Gîtâ, l’antagonisme n’est pas entre deux conceptions du salut, ce sont deux manières d’être de se positionner dans l’action, l’une conduit à l’aliénation et l’autre dans la ronde des renaissances et qui peut nous conduire à la délivrance. Arjuna se détourne de ces buts là, il se désolidarise des valeurs de sa caste, il se détourne de ce qui motive l’action, l’engagement dans le monde, de jouir des biens de la vie et de satisfaire ses désirs. Cet ordre du monde n’est pas acquis une fois pour toute car le tissu du monde est sans cesse à retendre. Le monde doit être maintenu sinon tout se disloque. Arjuna sur son champ de bataille vit cet antagonisme, cet épuisement des forces vives comme un morcèlement intérieur qui le ronge lorsqu’il se confie à Krishna. Par son action, l’homme peut mettre l’ordre du monde en danger. L’unité de soi est alors perdue et est à reconstruire. Dans ce texte apparaît une opposion entre deux mondes, un monde sans souffrance et un monde de souffrance où nous sommes d’une part prisonniers de ce qui nous affecte et d’autre part sous l’emprise du pouvoir de l’ignorance. Ce monde de souffrance est celui du samsara traduit dans le texte par le fleuve des renaissances. En opposition à ces deux ces mondes, il y a celui du brahman, le refuge du suprême. A delà du brahman il n’y a rien, plus de renaissance. L’acte efficace et juste n’est pas un geste simple qui se perd aussitôt accompli c’est un acte qui a une partie visible (l’acte que l’on produit) et une partie invisible (ce que va produire l’acte).

A l’interrogation pressante d’Arjuna, que faire lorsque l’agir et le non-agir s’opposent ? La réponse de Krishna est simple « Tu agiras conformément à ton devoir d’état (sva-dharma) et en ta qualité de prince (Kshatriya), tu combattras mais sans que tu t’attaches aux fruits de tes actes. Lorsque l’ordre du monde est en péril par l’ignorance et l’arrogance des tyrans tu dois agir. Puisque l’homme n’a pas d’autre moyen que d’être dans l’action car ce monde est celui du champ de bataille, il doit le faire en abandonnant le fruit des actes. Ainsi l’agir est purifié et illuminé, il cesse dès lors d’être asservissant et accède au salut et à la délivrance.

L’homme doit regarder avec détachement les effets de ses actes afin d’atteindre la paix intéreur.

L’enseignement de la Bhagavad Gîtâ propose une intériorisation du renoncement visible (l’agir) sous la forme d’un renoncement invisible (le non-agir) et intériorisé moins susceptible de mettre en déséquilibre la cohésion du monde. Ainsi ce texte s’attache à préciser la nature de la relation entre l’âme individuelle (l’âtman) d’une part et l’âme personnifiée suprême (le brahman) et le monde d’autre part.

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