Les Kosha : les cinq enveloppes corporelles

L’Inde nous invite à découvrir et expérimenter les « Kosha » qui sont les différentes enveloppes de l’être. Notre corps n’est pas un, mais multiple. Dans le yoga, le corps est la seule voie possible et celui qui pratique le yoga postural en découvre ses raideurs, ses tensions et ses énergies (prāna) afin de dévoiler le concept de « corp-esprit ». Il y a alors possibilité de réunir le corps physique ou « corps grossier » à sa dimension divine ou originelle. Deux chemins s’ouvrent alors à nous : aller du plus matériel, du plus concret vers le plus intime ; et à l’inverse, aller du plus intime vers le plus universel. Le yoga est un aller-retour permanent et quotidien, il propose une « marche à suivre » celui d’expérimenter nos différentes enveloppes.

Il existe trois corps qui en sanskrit sont dénomés Sharīra.

Ils se nourrissent les uns avec les autres et se combinent autour de l’âme ou ātman par un mouvement de l’extérieur vers l’intérieur en se subdivisant en cinq enveloppes appelées kosha. On peut les décrire comme des gaines ou des formes de revêtement.

Le corps grossier ou Sthûla Sharīra est composé de matières physiques. La racine Sthūl veut dire croitre, augmenter et grossir, car il peut changer avec le temps. Il est constitué des cinq éléments dont la terre (os, muscles), l’eau (sang, circuit lymphatique), le feu (digestion, respiration), l’air (oxygène) et l’éther (les espaces du corps, matière subtile). Il est aussi composé d’organes des cinq sens (nez, langue, yeux, peau, oreilles) et d’organes des cinq sens d’action (pieds, mains, anus, sexe, bouche)

Le corps subtil ou Sûkshma Sharīra est la forme immatérielle, lumineuse, rayonnante et vibrante du corps. Ce corps subtil est composé de trois enveloppes que l’on détaillera plus loin. C’est le corps de l’énergie vitale qui est le corps des techniques respiratoires et des énergies des cinq sens (odorat, goût, vue, toucher, ouïe) et des cinq sens d’action (la préhension, la parole, la procréation, l’excrétion et la marche). C’est là que se situent nos chakras, ses roues d’énergies ainsi que les nadis ou les canaux de circulation vitale.

Le corps causal ou Kârana Sharîra Ce corps est dit causal car il se cache au centre de la structure humaine. C’est la couche de félicité et de joie. Pour l’atteindre, il faut se situer dans un état de parfait équilibre énergétique, comme la méditation qui elle conduit vers la paix intérieure. C’est le corps des dieux ou des anges.

Les premières références dans les textes hindous se trouvent dans la Taittirīya Upanishad non pas en terme de Kosha d’enveloppe mais en terme d’âtman, c’est à dire le Soi. Au centre de l’homme mais également à l’extérieur et à l’intérieur de son corps se trouve l’Atman ou le Soi. La toute présence du Soi n’est ni représentée, ni représentable par un dessin. Il représente le vrai Soi par opposition à l’égo (Moi – Ahamkara). L’Atman est souffle, le souffle vital ou souffle de la vie mais aussi le souffle de la respiration subtile. La racine AT du mot atman veut dire respirer.

Le corps grossier (Sthūla Sharīra) est composé de l’enveloppe Ana Maya Kosha 

Ana Maya Kosha

Ana : nourriture

Maya : Action, en train de, (de la racine Ma : mesurer, comprendre)

Kosha : enveloppe

Nous sommes tous faits de nourriture. Notre corps physique est fait de chair, d’os, de muscles, de peau, d’organes et de fluides. En Inde, le corps est toujours représenté par des canaux, les nadis qui évoquent des fleuves et rappellent la fluidité. Pour travailler cette enveloppe, il faut aller vers la perception de chacun de nos organes de sens et de nos organes d’action. Ana Maya Kosha est l’enveloppe la plus externe, celle qui relie l’homme au règne minéral et aux cinq éléments (terre, eau, feu, air, éther ou espace).

Il désigne ce qui est le plus dense et le plus pesant. C’est lui qui redeviendra inerte quand le souffle de vie (prāna) l’aura quitté. C’est la seule enveloppe qui change avec le temps (vieillissement).

Le corps subtil (Sūkshma Sharīra) est composé de trois enveloppes : Prāna Maya Kosha ; Mano Maya Kosha et  Vijñāna Maya Kosha) 

Prāna Maya Kosha : 

Prana : énergie vitale

Maya : Action, en train de, (de la racine Ma : mesurer, comprendre)

Kosha : enveloppe

Cette enveloppe est composée d’énergie vitale et qui se dit en sanskrit Prāna. Ce prāna anime aussi bien le corps physique que le corps physiologique. Il fait le lien entre le corps grossier et le corps subtil dont il en est le premier kosha. Le prāna est l’essence continue dans l’énergie vitale. Cette essence est subtile et ne doit pas être confondue avec l’air que nous respirons. L’échange d’air se fait au niveau du corps grossier. L’échange du prāna s’effectue au niveau du corps subtil et des canaux : les nadis. Il est composé des cinq souffles vitaux primaires dont Prāna Vāyus placé au niveau respiratoire, Udana Vāyu placé au niveau de la gorge, Samana Vāyuplacé au niveau sensoriel et tactile du corps, Apana Vāyu placé au niveau de l’élimination et le dernier Vyana Vāyuplacé au niveau circulatoire dans le corps. Cet ensemble de circulation d’énergie vitale est relié au règne végétal de tous les êtres vivants qui eux se trouvent sur le cycle des naissances et des renaissances (Samskāra)

S’identifier la aussi à cette plus ou moins grande résistance physique ne peut être que source de souffrance. La sagesse consisterait à accepter ce qui caractérise chacun d’entre nous dans ce domaine et à adapter nos modes de vie à cette caractéristique tout en cherchant comment améliorer ces potentialités.

Comment entrer en résonance avec ces différents corps ? En l’écoutant dans sa totalité, en écoutant les sensations internes et subtiles donc au niveau vibratoire différent. Cela demande une grande attention afin de prendre en compte les différentes manifestations de l’invisible. Il y a des dimensions de l’être que nous ne fréquentons pas habituellement pour la plupart d’entre nous, mais le chemin est possible.

Mano Maya Kosha : 

Mano : de Manas l’intellect le mental

Maya : Action, en train de, (de la racine Ma : mesurer, comprendre)

Kosha : enveloppe

Cette enveloppe désigne le mental ou l’intellect (Buddhi) ou encore la conscience (Citta), elle est reliée à notre état de veille ou égo (ahamkāra). Mano Maya Kosha est relié à nos pensées et nos émotions constituant donc l’aspect psychologique de notre être. Ce revêtement est composé d’émotions et d’instincts. C’est ce qui nous relie au monde et aux autres. C’est tout ce que nous faisons ensemble. Nos sens vont être les ponts au monde extérieur grâce à nos pensées qui sont en constants mouvements (les Vrtti ou tourbillons de notre mental). Enfin, cette enveloppe est reliée au règne animal et à la composante animale des êtres humains. Cette enveloppe a été forgée par différents conditionnements en relation avec notre éducation avec les habitudes familiales et sociales qui sont les nôtres, il faut donc éviter de comparer les choses entre elles et voir la vie à chaque instant, à chaque situation comme neuf sans introduire cette relation de déjà-vu.

Vijñāna Maya Kosha : 

Vijñāna : connaissance discriminante

Maya : Action, en train de, (de la racine Ma : mesurer, comprendre)

Kosha : enveloppe

Vijñāna Maya Kosha est l’enveloppe faite d’intelligence liée à la logique, le raisonnement, la discrimination et le jugement. Elle est en rapport avec l’intelligence objective. C’est le corps le plus subtil des trois corps intermédiaires et enveloppe toutes les autres formes précédentes.  L’enveloppe est composée de pensées constructives, de bon sens et d’idées. C’est le domaine de la technique des arts, des sciences de la philosophie propre aux hommes. Il fait le lien avec le troisième corps, le corps causal ou Kārana Sharīra. Enveloppe faite d’intelligence dans le sens de compréhension totale et profonde des choses observées dénuées de subjectivité, c’est voir sans pensées, c’est à dire sans ajouter son jugement. Cette enveloppe permet d’acquérir de plus en plus de lucidité et d’accepter ce qui est et de lâcher prise. Ceci va contribuer à avoir plus de stabilité et de tranquillité sereine. Cette enveloppe faite de connaissance se traduirait par exemple sur le tapis par un moment de relâchement total du corps sans attendre une récompense lors de la réalisation de la posture. 

Le corps causal (kârana Sharîra) est composé de Ānanda Maya Kosha

Ānanda Maya Kosha : 

Ānanda: joie, béatitude, félicité

Maya : Action, en train de, (de la racine Ma : mesurer, comprendre)

Kosha : enveloppe

Ānanda est l’enveloppe composée de béatitude ou de félicité. Elle correspond au dernier degré d’asservissement ou d’ignorance (Avidyā) de l’homme. Elle éloigne par identification l’individu (jīva) de sa nature réelle qui n’est que pure conscience ou Ātman. Ici le voile de l’ignorance se lève et la pure conscience rayonne en tout lieux. Il englobe la totalité de l’être avec tous les éléments précédemment cités ainsi que sa conscience (Chit) et de son être (Sat). Il est sans forme à la différence des quatre autres. Il les contient tous et les imprègne mais c’est uniquement dans le corps physique que l’on peut le concrétiser. Quand on atteint ce stade de compréhension de notre être, on est envahi d’une joie éternelle et indépendante des évènements extérieurs. Arrivé à cette étape de libération de l’être, on dit avoir atteint le Brahman qui lui est omniprésent et qui se manifeste par les mots : Sat – Chit – Ānanda – Conscience – Être – Joie. Nous sommes donc faits de bonheur (Sukha) et non pas de malheur (Duhkha).

Pourquoi cette prise de conscience de nos trois corps et de nos cinq enveloppes est si importante ? Parce qu’elle porte toute la finalité du yoga et de la pensée indienne qui cherche à trouver la présence de l’infini dans le fini et l’éternel dans le temporel. Notre corps physique prend sens dès lors qu’il est appréhendé comme une première enveloppe en dessous de laquelle se révèle une réalité ultime qui nous invite à établir un lien avec les éléments de l’univers. Le travail corporel et respiratoire pratiqués lors d’un cours de yoga nous permet non seulement d’agir en profondeur sur les différents corps mais aussi nous invite en pleine conscience à être totalement dans le présent.

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